L’industrie pharmaceutique redoute un nouveau tour de vis. L’industrie du médicament est assurément aujourd’hui un des secteurs les plus stratégiques pour notre réindustrialisation et notre souveraineté sanitaire. Mais la période du Covid a aussi souligné nos lacunes. Nos priorités sont d’assurer un accès de tous les Français aux produits de santé, qu’ils soient innovants comme matures, et de réindustrialiser la France en encourageant les investissements sur notre sol.
Pour autant, cela coûte cher à la sécurité sociale… Pour 2023 et 2024, la hausse des dépenses remboursées de l’ensemble des produits de santé devrait à nouveau être supérieure à 4%. La réindustrialisation doit se faire, mais il y a un équilibre à trouver entre plusieurs objectifs que sont l’accès de tous les Français aux médicaments, le soutien à l’innovation et la soutenabilité financière pour assurer la pérennité du modèle social.
Comment va évoluer la clause de sauvegarde, qui consiste à effectuer un prélèvement sur le secteur du médicament quand son chiffre d’affaires dépasse un certain seuil ? Ce prélèvement a augmenté de manière significative année après année, et conséquence directe de la très forte augmentation des dépenses de médicaments. Et si on ne faisait rien, la croissance du marché nous conduirait à prélever 1,7 milliard cette année et plus de 2 milliards en 2024. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le rendement estimé de la clause sera ainsi abaissé à 1,6 milliard pour 2023, et stabilisé à ce niveau l’année prochaine.
Les experts missionnés par Matignon sur la régulation du secteur ont récemment préconisé un montant de 500 millions maximum… L’enjeu dépasse largement le sujet du montant de cette clause et nécessite de faire évoluer notre système de régulation. D’abord parce que le secteur est très divers : certaines thérapies innovantes, qui apportent des réponses totalement nouvelles coûtent 300.000 euros le traitement, certains produits génériques essentiels pour les Français coûtent quelques centimes la boîte. Par exemple, dès le budget 2024, nous allons revoir le mode plafonnement de la clause de façon que cela bénéficie notamment aux PME à forte croissance. Nous allons aussi exclure les vaccins anti-Covid de l’assiette.
Les génériqueurs réclament d’un traitement spécifique du fait de leur faible rentabilité… Nous souhaitons que le débat parlementaire permette d’affiner la contribution des génériqueurs à la clause de sauvegarde et de mieux tenir compte de leurs spécificités.
Les industriels se plaignent d’être victimes chaque année de ces changements répétés… Le secteur évolue très fortement et la croissance des dépenses de ces dernières années est une réalité à laquelle nous devons nous adapter. C’est un enjeu central de santé publique tant la France se distingue par une consommation très élevée de médicaments.
Comment comptez-vous faire ? Chacun doit contribuer à l’effort pour maîtriser les dépenses, en nous assurant d’une bonne répartition de la valeur entre tous les acteurs.
En attendant, les industriels vont-ils subir de nouvelles baisses de prix sur les médicaments ? Le principe de baisse de prix sur les médicaments est un des leviers importants de la régulation et nous devons comme chaque année l’utiliser avec ambition et mesure, dans le cadre de négociations avec chaque laboratoire. Le comité économique des produits de santé qui négocie ces baisses avec les industriels devra cependant prendre en compte des enjeux d’accès des Français aux produits de santé et de souveraineté qui nous tiennent à cœur.
C’est-à-dire ? Pour la première fois, nous avons sanctuarisé dans le budget une enveloppe qui va permettre de renforcer l’attractivité de la production de produits essentiels en France ou en Europe, pour permettre une relocalisation ou éviter la délocalisation.
Comment éviter les arrêts de production évoqués par les industriels ? Pour éviter cela, nous allons introduire dans le PLFSS une disposition inspirée de la loi Florange. Si un industriel arrête la commercialisation d’un des 6.000 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, il aura alors une obligation renforcée de moyens pour trouver un repreneur au risque de subir des sanctions. S’il n’y a pas de repreneur, l’état pourra demander à l’entreprise de céder gratuitement l’exploitation du médicament pendant deux ans, à une structure publique comme la pharmacie, des hôpitaux de paris par exemple.
Il y a aussi des inquiétudes sur l’accès aux médicaments innovants… Nous sommes totalement déterminés à continuer à renforcer l’accès au marché français des traitements innovants avec l’agence de l’innovation en santé. Dans l’immédiat, nous comptons assouplir certaines règles qui régissent l’accès précoce qui permettent aux innovations d’arriver plus rapidement sur le marché français.
Assurance maladie : des dépenses en hausse de 3,2% en 2024. Le gouvernement compte faire des économies sur les médicaments en mettant à contribution les industriels et les patients. Les dépenses d’assurance maladie devraient augmenter de 3,2% en 2024, a assuré le gouvernement devant des parlements lundi. Depuis, l’exécutif a notamment acté un coup de pouce financier pour les fonctionnaires et des mesures de revalorisations salariales pour les personnels de santé travaillant à l’hôpital la nuit et le week-end. Le gouvernement compte aussi imposer aux industriels des baisses de prix sur les médicaments remboursés par la sécurité sociale.